14/10/2013
Recherche Innovation

Pollution nitrique de l’eau : Résultats de 24 ans d’expérimentation INRA

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L’Institut
national de recherche agronomique – INRA, présente les conclusions
scientifiques et techniques de 24 ans d'expérimentation sur le bassin
d’alimentation en eau de Bruyères-et-Montbérault dans l’Aisne. Les
résultats révèlent que les bonnes pratiques culturales mises en place
ont permis de réduire la teneur en nitrate des eaux de captage, de plus
de 60 mg par litre dans les années 1990 à une valeur stabilisée autour
de 50 mg par litre à ce jour. Ils montrent que la maîtrise de la
pollution nitrique nécessite une collaboration durable des
collectivités, des agriculteurs, des organismes de transfert et de la
recherche.

En France, la majorité de l’eau potable provient d’eaux
souterraines dont la contamination nitrique pose question à long terme.
Pour l’étudier, l’Inra s’appuie depuis 24 ans sur un dispositif
expérimental unique : le bassin d'alimentation en eau de
Bruyères-et-Montbérault. Ce plateau de 187 hectares dont 137 en grandes
cultures (blé, betterave, escourgeon, pois et colza) est situé à 10
kilomètres au sud de Laon. Depuis 1970, l’eau de captage (sources) de ce
bassin a connu une pollution nitrique croissante et régulière et
dépassé la norme de potabilité, soit 50 mg de nitrate par litre (NO3/L).

En
1989, l’INRA, les agriculteurs, le conseil municipal et la Chambre
d’agriculture de l'Aisne ont lancé une démarche expérimentale
partenariale en vue de réduire la teneur en nitrate des eaux de captage.
Les parcelles ont fait l’objet d’une mise en œuvre systématique de
bonnes pratiques agricoles de gestion de l’azote par les agriculteurs, à
savoir : le raisonnement de la fertilisation azotée grâce à l'outil
d'aide à la décision Azobil et l’implantation de cultures intermédiaires
pièges à nitrate (CIPAN) durant les périodes d’interculture. Il était
également conseillé de laisser les repousses de la culture précédente et
d’enfouir les pailles.

Des résultats encourageants pour lutter contre la pollution de l'eau
– Depuis 24 ans, des données acquises régulièrement sur le climat, les
cultures, les sols et l'eau ont permis d’évaluer les teneurs moyennes de
l’eau à l’entrée (eau de percolation) et à la sortie (eau de captage)
du système aquifère. Aujourd’hui, des progrès significatifs ont été
obtenus à ces deux niveaux d’évaluation. Ainsi, la teneur en nitrate
pondérée de l’eau de percolation atteint 44 mg/L sous la zone cultivée
et 34 mg/L en intégrant l’apport des zones boisées du bassin. Cette
valeur se révèle entre 1,5 à 2 fois plus faible que celle estimée pour
la période antérieure à 1990. Quant à la teneur en nitrate des sources
captées, elle a continué à augmenter en dépassant parfois 60 mg/L à la
fin des années 1990 puis a diminué. Aujourd’hui, cette valeur s’est
stabilisée autour de 50 mg/L. Les données recueillies confirment
l’existence d’une forte inertie temporelle liée au temps de transfert du
nitrate dans l’aquifère qui se compte en décennies. Compte tenu de ce
délai, les scientifiques attendent une amélioration des valeurs d’ici
une trentaine d’années pour les eaux de sources. Au-delà de démontrer
l’effet des pratiques agricoles sur un bassin hydrologique bien
délimité, l'ensemble des résultats améliore les connaissances sur la
lixiviation  du nitrate et sur les modèles de fonctionnement des
agro-écosystèmes mais aussi sur le temps de réponse des aquifères en
terrain sédimentaire tertiaire.

Comment aller plus loin pour améliorer la qualité de l'eau ?
– Les bonnes pratiques agricoles se basent sur des modifications de la
conduite des cultures en système raisonné qui ont un meilleur rapport
efficacité/coût que le traitement de l’eau ou le gel de terres. Pour
atteindre à la fois la potabilité et le bon état écologique des eaux de
surface, la mise en œuvre généralisée et à long terme de ces bonnes
pratiques est donc nécessaire, mais pas toujours suffisante suivant la
sensibilité du milieu. Par ailleurs, il faut éviter les transferts de
pollution vers l’atmosphère par l’émission de composés azotés (ammoniac,
protoxyde d’azote). Pour ces deux raisons, il faudra modifier les
systèmes de culture et optimiser leur localisation à l'échelle du bassin
hydrologique. Des scénarios de mise en place de systèmes en agriculture
biologique, de cultures pérennes pour la production de biomasse, de
zones enherbées ou boisées sur un territoire donné sont à étudier.

L'ensemble
de ces travaux ont été réalisés par l’INRA et la Chambre d’agriculture
de l’Aisne, grâce au soutien des ministères de l'Agriculture et de
l’Environnement, de l’Agence de l’eau Seine-Normandie, de la Région
Picardie, l’ADEME, de l’Union européenne (INTERREG IV) et de la mairie
de Bruyères-et-Montbérault.

Contacts scientifiques
Nicolas BeaudoinBruno Mary
INRA
– 04-10-2013